Une réponse possible : des exercices de compétence pour hisser ou maintenir sa pratique au niveau des recommandations cliniques en vigueur. Dans la pleine conscience des limites de cette partition, convenons que les connaissances s’acquièrent lors de formations et que les compétences s’exercent avec l’entraînement. Par compétence, on entend une capacité d’action. La Haute autorité de santé (HAS) évoque un savoir agir en situation. Les compétences seront entraînées si elles sont activées et articulées en situation et conformément à l’enchaînement des recommandations des bonnes pratiques. L’entraînement métabolise pour ainsi dire la connaissance en compétence. Il lui donne vie.
En toute rigueur, l’entraînement présuppose de se préparer à la prise en charge d’une situation clinique au moyen d’exercices appropriés et répétés, autant de fois que l’exigence médicale y invite, y oblige. S’esquisse ce qui est presque une lapalissade, l’intensité de l’entraînement. Par conséquent, nous serions fondés à parler d’entraînement si et seulement si celui-ci est continu, s’il est le plus fréquent possible.
Qu’en est-il des moyens à la disposition des professionnels de santé pour s’entraîner ?
Outre le fait qu’elles ont d’abord vocation à amplifier la mémorisation des connaissances, les formations traditionnelles ne prétendent pas à l’entraînement, tel que nous l’avons défini. Progrès décisif, la simulation sur mannequin haute-fidélité n’en reste pas moins sous la férule des contraintes budgétaires et organisationnelles d’un moment le plus souvent externalisé. Pour l’étudiant, les compétences s’amorcent aux côtés du chef de service, de l’assistant qui le guide. Mais de même que l’on ne saurait sans risque apprendre à piloter en pilotant un avion, on ne saurait sans risque apprendre à soigner en soignant un malade. Au vrai, ce n’est qu’avec l’accessibilité élevée et le faible coût de la simulation médicale numérique que l’entraînement s’émancipe de toutes ces contraintes.
Il ne s’agit pas d’asséner que jusqu’ici, les professionnels de la santé ne s’entraînaient en aucune façon, mais de souligner que l’entraînement requiert un ensemble de conditions qui n’étaient pas toutes réunies. Nous avons mis l’accent sur l’une d’entre elles, l’intensité de l’entraînement. Laquelle différentie nettement la simulation médicale numérique. Encore faut-il qu’elle tienne ses promesses. Medusims s’y emploie.
Les séances d’entraînement des plates-formes de Medusims permettent aux professionnels de prendre en charge un panel de cas cliniques illustratifs de grandes thématiques, par exemple de la périnatalité avec Périnatsims® : l’hémorragie du post-partum, la réanimation du nouveau-né. Ce sont bien les compétences qui sont actualisées et exercées en contexte, débriefées et auto-évaluées. La pédagogie se réfère aux bonnes pratiques, précisées par des experts de renommée internationale.
Le professionnel est immergé dans un environnement dont l’atmosphère et les objets recréent le bloc opératoire de l’hôpital, une zone d’accident, l’ambulance du SAMU, le cabinet d’un médecin, un terrain de guerre. L’ensemble forme une réalité interactive et immersive, créatrice de temps réel et en trois dimensions. L’expérience est sonore, visuelle, animée. Elle peut être renouvelée autant de fois qu’on le souhaite. Le professionnel dirige les gestes et les décisions de son avatar, il réalise les étapes clés de la prise en charge d’un ou plusieurs avatars du patient : il interroge, il diagnostique, il traite. Bref, il s’entraîne. Un débriefing détaillé et inventif l’invite à s’auto-évaluer, donc à réfléchir sur la qualité de sa prise en charge. D’un entraînement à l’autre, il prend la mesure des progrès qu’il accomplit. Les experts parleront de conscientisation, d’une prise de conscience.
Ces exercices simulés font une discipline joyeuse qui confère au professionnel une conscience médicale de grande amplitude puisque l’entraînement et le débriefing l’engagent à vivre les liens que la prise en charge tisse entre la théorie et la pratique. Et, de fait, la liberté de s’entraîner en situation et en temps réels, en tout lieu et à toute heure aiguise son esprit critique et lui donne confiance – qu’il s’entraîne à la prise en charge de cas cliniques rares ou graves ou courants. Si l’enchaînement gestuel relève d’une extrême concentration, comme lors d’un afflux massif de victimes, l’entraînement assouplit la crispation, il jugule le stress négatif, il décontracte l’esprit. Il prévient l’effet de sidération. Inversement, avec les cas courants, le risque sera d’être abusé par l’habitude, de commettre une erreur faute d’attention. L’entraînement anticipe ce défaut de vigilance dû à un excès de confiance.
L’entraînement, c’est aussi une manière de fluidifier le passage de la formation universitaire à la pratique clinique, de préparer efficacement une intervention critique programmée, d’accélérer l’adoption de l’innovation et de réduire l’inertie clinique.
S’entraîner revient à équiper les professionnels si efficacement que, confrontés à une situation périnatale à haut risque (la plate-forme Perinatsims®), un afflux massif de victimes (la plate-forme Traumasims®), les gestes à accomplir s’effectueront d’une façon harmonieuse. L’effort n’est pas absent, il est devenu naturel. Peu d’effort, beaucoup d’effet ; tel est l’horizon de l’entraînement.
Risquons cette hypothèse : l’entraînement prédispose à l’imprévu dont il réduit le surcoût, en termes d’effort précisément. S’entraînant sur des cas standards, les situations cliniques A, B, C, D, le professionnel confronté à une situation E inédite serait mieux armé pour y faire face, car il comprend que les caractéristiques de E diffèrent de celles, A, B, C, D, qu’il maîtrise. C’est un gain de sensibilité dans l’analyse, le diagnostic de l’inédit. Comme si l’entraînement forgeait une sorte de disposition à la nouveauté.
Quoi qu’il en soit de la robustesse de cette hypothèse, l’entraînement ré-enchante la confiance en soi et la relation aux autres. Il structure l’équipe de soins, il la consolide, il étoffe la qualité et la sécurité des soins. De la confiance en soi à la confiance du patient en son médecin et en l’équipe médicale, la confiance est contagieuse.
Si l’on s’accorde sur le fait qu’une invention est une méthode, une technique, un moyen de résoudre un problème pratique donné, alors nous pouvons dire que nous assistons à l’invention de l’entraînement médical.
Ceci toutefois : L’invention intervient quand le filtre social la laisse passer (Gilbert Simondon). Prenons un exemple. La gestion de catastrophes sanitaires exceptionnelles constitue un défi de taille. Le relever nécessite de se plier à des entraînements réguliers et exigeants, afin de forger des équipes réactives et soudées, de mécaniser les procédures. La plateforme Traumasims® est plébiscitée par les équipes médicales et paramédicales, hospitalières et pré- hospitalières. Tous se battent pour qu’advienne l’entraînement, dans le but de réduire l’effet de sidération initial et d’augmenter leur capacité à agir. En dépit de l’acuité de l’enjeu, le filtre des organisations et des cycles budgétaires contrarie malencontreusement l’entraînement des techniques médicales du Damage control.
Mobilisons-nous pour que toutes les ressources potentielles de l’entraînement soient exploitées, pour que se déploie pleinement cette invention.